L’analyse du travail suppose qu’on parcourt simultanément deux voies : l’une qui s’appuie sur les caractéristiques de la tâche ; l’autre qui s’appuie sur les caractéristiques du sujet de l’activité.
L’analyse du travail met en jeu trois notions essentielles :
- Le sujet (l’opérateur) ;
- La tâche ;
- L’activité (la tâche réalisée par le sujet – selon Leplat)
Il s’agit d’analyser les relations complexes entre ces 3 notions. L’activité dépend de la tâche et des caractéristiques du sujet mais elle peut contribuer, en retour, à la définition de la tâche et à la transformation du sujet. (Leplat 1997)
- Objectifs de l’analyse du travail et de l’analyse réflexive de ses actions.
L’analyse du travail et l’analyse réflexive du travail se font à deux moments.
- Moment 1 : il s’agit d’identifier les concepts organisateurs qui structurent la tâche et qui doivent être pris en compte pour l’action efficace (ce sont les propriétés de la situation). C’est l’analyse de la tâche prescrite (NB : prescription faite par un prescripteur qui peut être le bureau des méthodes).
À ce niveau d’analyse, on se pose la question : « que doit faire l’opérateur ? ».
On se pose aussi la question : « quelles dimensions de l’action doivent être prises en compte pour que l’action soit efficace ? ». C’est l’identification des parties invariantes de l’action qui se trouveront présente chez TOUS les opérateurs. C’est ce qui ne varie jamais dans l’action liée à la tâche quel que soit l’acteur.
On repère aussi les incidents critiques pouvant survenir et déstabiliser l’opérateur lors de la réalisation de la tâche.
Cette analyse nous livre la structure organisationnelle de la tâche.
- Moment 2 : il s’agit d’identifier les différentes stratégies des opérateurs. Les stratégies adoptées par les opérateurs quand ils réalisent la tâche dépendent de différentes caractéristiques : les expériences vécues sur la tâche et les caractéristiques psychologiques de l’opérateur.
L’activité réellement réalisée dépasse en effet toujours le prescrit.
La structure organisationnelle de la tâche va être appropriée différemment par les différents acteurs. Chacun a sa façon d’agir. C’est ce qu’on appelle les modèles opératifs de chaque opérateur. Il faudra les identifier.
C’est l’étape d’analyse réflexive.
Quand on demande à des opérateurs de représenter une tâche réalisée ou un objet sur lequel ils agissent, certains font une représentation académique, théorique. Ces acteurs sont les novices.
D’autres font apparaitre le diagnostic qu’ils font de l’objet ou de la situation. Ce sont les experts. Ils décrient leurs stratégies d’actions.
- L’analyse réflexive de ses actions et les trois dimensions d’apprenants
Le but de l’analyse réflexive est de comprendre l’apprentissage pratique d’acteurs débutants dans le métier. Il faut comprendre l’activité des professionnels confirmés (les « experts »), pour comprendre l’apprentissage des nouveaux venus : la manière dont ils ont appris leur métier ; les étapes qu’ils ont parcourues ; les difficultés rencontrées ; les obstacles surmontés. On va regarder les conditions d’acquisition du savoir et surtout les modalités de déploiement de la tâche. Il faut donc analyser l’apprentissage non pas dans les écoles mais dans les lieux où on travaille
Le débutant applique le processus. Il n’a pas conçu son mode opératif puisqu’il n’a pas agi en situation réelle. Un débutant décrit son action de façon académique. Il est théorique.
Le novice a conçu ses premiers modèles opératifs mais dans une situation de régime normal (sans trop d’imprévus) ; il a agi dans la situation prototype.
L’expert sait affronter toutes classes de situations les plus éloignées du prototype. Celles qui sont atypiques. Par ses expériences, il a conçu des stratégies d’actions. C’est pourquoi quand il décrit sa façon d’agir il introduit deux mesures essentielles :
- le diagnostic de situation qu’il applique en réalité et qui lui permet à chaque fois de choisir la parade efficace.
- les indicateurs qui lui permettent de suivre son action réelle jusqu’au résultat visé.
Un expert se détache de ce point de vue. Il raconte ses expériences cumulées. Il est pragmatique.
L’analyse réflexive de ses actions et les activités critiques.
Dans une situation critique, l’acteur est désorienté. Il agit comme il peut. Il réussit ou il échoue. C’est en analysant ses pratiques que l’acteur comprend ce qui s’est passé et les raisons pour lesquelles il a perdu (ou pas) le fil de son action. Ce sont les tâches critiques qui sont formatrices, apprenantes.
Sur une tâche complexe, l’acteur n’a pas le temps de prendre du recul sur son action. L’analyse doit se faire après coup. Dans l’action il est dans une démarche constructive (il s’adapte). Après l’action, il entre dans une démarche cognitive. Son action devient l’objet de son étude.
Apprentissage et développement professionnel.
Apprendre en faisant permet de développer ses compétences. Mais en agissant, on se développe en tant que sujet, en tant que personne. C’est cette dimension psychologique, qui s’inscrit dans le long terme, que traire l’analyse réflexive.
La situation de travail (ou tâche) complexe influe sur l’opérateur. Il assimile des caractéristiques de celle-ci. Il sollicite ses intuitions, sa compréhension de la situation. Ce qui participe au développement professionnel de l’opérateur qui analyse de plus en plus de choses de la situation.
Cela l’oblige aussi à accepter la complexité.
En agissant sur celle-ci, il conceptualise son action. Il s’accommode. Il agit. Il s’engage ! « La situation m’impose de changer, de me transformer. Et, en agissant, je change la situation. Je fais du neuf ».
L’analyse réflexive déclenche le développement professionnel.
Méthode pour conduire une analyse réflexive de ses actions
De façon synthétique, l’analyse réflexive consiste à partir du vécu d’en faire un récit par épisodes.
Puis, pour chaque épisode du récit, il convient d’identifier l’intrigue, c’est-à-dire d’identifier les évènements qui se sont manifestés de façon fortuite – le hasard – et les variables sur lesquelles l’acteur a dû agir pour les contrôler ou les rétablir.
Puis, il faut rétablir les enchaînements et identifier les modèles opératifs des acteurs.